La réponse de Didier Robert au questionnaire de l’Ordre des architectes

Monsieur le Président,

Je veux d’abord saluer l’initiative du Conseil régional de l’Ordre des Architectes de La Réunion qui apporte une voix unie aux préoccupations des architectes et assure une visibilité nécessaire aux questions d’aménagement, de logement et d’urbanisme dans cette campagne des élections régionales. Des questions clés qui concernent autant notre économie que notre environnement et les éléments d’un vivre-ensemble réunionnais qu’il nous faut préserver pour le XXIème siècle.

La Réunion doit aujourd’hui faire face à un certain nombre défis, tels l’étalement urbain, l’évolution des modes de vie des Réunionnais, la question des transports, le respect de l’environnement et bien sûr notre plus grand défi, celui de la construction de logements.

Au carrefour de tous ces enjeux, la place des architectes est évidemment essentielle.

Nous sommes aujourd’hui 840.000 habitants, et nous serons un million en 2030. Dans ce contexte, les architectes ont un vrai rôle à jouer en proposant aux pouvoirs publics des solutions qui garantissent les spécificités architecturales de nos cases créoles, une attention à un certain art de vie auquel les Réunionnais restent très attachés, une préoccupation aussi aux paysages réunionnais classés au patrimoine mondial de l’Unesco, une meilleure maîtrise enfin des ressources énergétiques.

Parmi les 7 piliers sur lesquels reposent mes engagements pour la période 2015-2021,

  1. Sécuriser le parcours de la jeunesse réunionnaise ;
  2. Engager la 2e génération des grands chantiers réunionnais ;
  3. Libérer les énergies, libérer les entreprises réunionnaises ;
  4. Affirmer l’identité, la fierté, la culture réunionnaise ;
  5. Libérer la terre réunionnaise ;
  6. Combattre les injustices ;
  7. Ouvrir La Réunion sur le monde, sur notre espace géographique,

je tiens à vous préciser les points qui, parmi ces engagements, me paraissent prioritaires et pour lesquels vos compétences et votre implication sont indispensables.

« Engager la 2e génération des grands chantiers réunionnais » fait évidemment partie de ceux-là :

Tous les Réunionnais doivent pouvoir occuper un logement décent. Dans la continuité des actions engagées en faveur du logement social, un vaste plan de réhabilitation des logements sociaux sera initié pour permettre aux Réunionnais les plus modestes d’accéder à un logement sûr et salubre. Entre 500 millions et 1 milliard d’euros seront débloqués pour un vaste plan de réhabilitation de 20 000 logements sociaux avec l’objectif de favoriser l’accession à la propriété de tous.

Un chantier d’une telle envergure n’a évidemment de sens que si les architectes et urbanistes sont parties prenantes de ce programme notamment en matière d’appui et de conseil.

2016 va également marquer la 2ème génération du Plan de Relance Régional et des Aides aux Communes créés en 2010. Une nouvelle enveloppe budgétaire de 300 millions d’euros sur 6 ans permettra d’accompagner les communes dans le financement des équipements publics de proximité au service de la population.

Pour l’Ouest, la future Eco-Cité insulaire et tropicale de Cambaie portée avec le TCO fera office de vitrine du savoir-faire et de l’excellence réunionnaise. La future Eco-Cité fait, comme vous le savez, partie des 13 projets identifiés au niveau national comme représentatifs de la ville durable du 21ème siècle. Cambaie, deuxième zone foncière d’intérêt régional, dispose ainsi d’un potentiel de développement extraordinaire pour notre île. C’est sur cet espace que verra le jour l’unique Eco-Cité ultramarine, insulaire et tropicale de France : un cœur d’agglomération comprenant les bas de La Possession, de la ville du Port jusqu’au centre-ville de Saint-Paul, sur un périmètre d’environ 5 000 hectares, où 35 000 logements seront construits à l’horizon 2045.

Les objectifs que je veux ici partager avec vous : prendre en compte pleinement la dimension de durabilité et de moindre impact écologique à tous les stades de la réalisation du projet ; transformer Cambaie en modèle et vitrine du savoir-faire réunionnais dans tous les métiers, en particulier ceux du bâtiment et offrir aux Réunionnais un espace de dignité et de liberté par le travail.

Là encore, nous avons besoin de l’expertise et des compétences des architectes dans des domaines qui dépassent le simple cadre de la construction.

Enfin et dans le domaine plus spécifique de l’enseignement, il s’agira d’offrir la possibilité aux jeunes Réunionnais de se former à de nouveaux métiers et répondre ainsi aux besoins des branches professionnelles du secteur d’activités. C’est dans cet objectif qu’un Lycée des Métiers de la Mer sera créé pour développer les compétences des jeunes réunionnais en cohérence avec des projets structurants tels que le «Grand Port Maritime » et le Pôle Régional Mer. Dans le domaine du tourisme, un Lycée spécialisé « Hôtellerie Tourisme » sera implanté à Petite Ile, en réponse à un développement touristique renforcé, pour assurer l’ équilibre de l’offre de formation entre les micro-régions Ouest et Sud.

Libérer la terre réunionnaise :

Parmi les priorités que j’entends encore défendre, il y en une qui me paraît essentielle et que je veux vous soumettre : c’est celle de la diminution de l’emprise de l’Etat dans le domaine réglementaire qui passe par des modifications de forme et de structures notamment du Parc national des Hauts.

Je suis convaincu qu’il y a là une source d’enrichissement de la capacité de décision de notre île mais je suis également conscient que sans votre présence dans cette réorganisation, il ne peut y avoir de réponse cohérente face aux défis d’un équilibre qu’il nous faut encore trouver.

Aujourd’hui, les Réunionnais sont bloqués dans leurs projets d’aménagement dans les hauts de l’île. Ils ne peuvent plus construire de case sur un terrain pourtant familial, ils ne peuvent plus élever d’animaux, ils ne peuvent plus développer de filière agricole.

Je fais aussi le constat qu’en 10 ans, le fossé économique et social s’est dangereusement creusé entre le littoral et les hauts de l’île. 10 ans d’immobilisme incompréhensible malgré les projets d’aménagements touristiques portés par des entreprises sérieuses et respectueuses de l’environnement… C’est pourquoi je propose de faire du parc national des Hauts, un parc réunionnais durable et innovant en trouvant le juste équilibre entre préservation de la biodiversité et développement des activités humaines.

En parallèle de cette refonte du Parc, il faut également un nouveau Schéma d’Aménagement Régional (SAR), l’actuel étant devenu totalement inadapté à La Réunion.

L’aménagement est au service du développement, et celui-ci ne peut s’envisager sans prendre en compte les problèmes du foncier. C’est vrai pour le logement comme pour les activités économiques comme le tourisme qui suppose à la fois des infrastructures développées, notamment dans les Hauts (Eco-lodges, activités touristiques, gites), et des espaces préservés, susceptibles d’attirer de nombreux visiteurs.

Libérer les entreprises :

Autant d’évolutions qui nécessitent la présence des architectes et des urbanistes et la prise en compte de l’approche architecturale dans les réflexions urbaines, l’aménagement économique et les zones d’activités, les projets routiers, que vous soyez aussi partie prenante de la révision du SAR, des projets immobiliers de la collectivité et de ses acquisitions foncières.

Sans doute s’agit-il, comme vous le proposez, de définir les nouveaux outils pour y parvenir et de nouvelles démarches de concertation avec l’ensemble des services de la Région pour accompagner ces évolutions afin d’articuler à l’échelle la plus pertinente nos politiques locales de l’habitat, celles des déplacements, sans oublier les politiques de développement commercial maîtrisé ou encore la question patrimoniale.

C’est pourquoi je souscris pleinement à votre proposition de créer une instance de concertation qui permettrait d’institutionnaliser un dialogue régulier entre les autorités publiques et les représentants des architectes.

Autour de cette gouvernance repensée, il me paraît également important que soit affirmée et confortée la responsabilité des maîtres d’ouvrage dans la sélection des entreprises et le choix des offres, permettant ainsi de donner sa pleine valeur à la notion de « mieux disant » qui reste essentiel.

Je sais que la question de l’accès à la commande publique vous préoccupe tout particulièrement et ma conviction est que la nécessaire transparence des règles ne doit pas porter atteinte à la promotion de l’innovation et à la créativité de vos entreprises, et pas davantage à la qualité de la restitution notamment dans le domaine de l’urbanisme.

Au-delà de la réponse qui vous est faite ici, je souhaite, Monsieur le Président, que nous puissions continuer à travailler ensemble en ajoutant nos compétences et notre sens des responsabilités.

Ma réponse vous paraîtra sans doute un peu longue et détaillée, mais il est de ma responsabilité de préciser les lignes d’action qui seront mes priorités pour les prochaines années, d’être aussi à la hauteur des enjeux que représente l’aménagement durable et équilibré de notre île.

Je vous prie, Monsieur le Président, de recevoir l’expression de mes meilleurs sentiments.


Didier ROBERT
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