2 au 4 novembre 2011
Théâtre du Grand Marché
Saint-Denis de La Réunion
Les premiers ” Entretiens du Patrimoine de l’Océan Indien ” se sont tenus au Grand Marché à Saint-Denis en novembre 2011. Très bien organisés par la DAC-OI et l’école d’architecture de Montpellier, et en particulier son antenne du Port, ils ont réunis en moyenne deux cent personnes pendant trois jours.
L’assistance
Il y a deux sortes de personnes qui “participent “ à ce genre de colloque : ceux qui assistent aux diverses présentations, et ceux qui passent, le temps de délivrer un discours.
On peut facilement classer dans la première catégorie, des gens, et pas des moindres, comme Philippe Belaval, Directeur Général des Patrimoines, qui est resté dans la salle les trois jours durant, mais aussi Laurent Heulot, le directeur de l’école d’architecture de Montpellier, et Marc Nouschi, le DAC-OI et tous ces services, les quarante intervenants venant de quinze pays différents, sans oublier quelques enseignants de l’école du Port et surtout la trentaine d’étudiants, futurs architectes, qui ont réalisé une excellente exposition sur les villes d’échanges du pourtour de l’océan indien. Dans la seconde catégorie, on trouvera les Préfets de La Réunion et des TAAF, le Maire de Saint-Denis et le Secrétaire aux affaires économiques.
Et puis il y a ceux dont on a regretté l’absence. Très peu d’élus ont fait le déplacement (à l’exception de deux de Saint-Denis qui ont assisté à quelques présentations) comme si le patrimoine n’avait d’intérêt pour eux, et l’Université a brillé par son absence, tant au niveau des professeurs que des étudiants, puisque seul le professeur Jean-Michel Jauze est venu faire une intervention par ailleurs remarquable.
Les actes de ces entretiens devraient être publiés très vite, donc il n’est pas nécessaire ici de revenir sur les différentes interventions, mais plutôt de faire part de quelques remarques.
Les définitions du patrimoine
Tout d’abord, il ressort de ces échanges que le terme patrimoine (et pourquoi pas matrimoine?) ne recouvre pas la même notion selon les pays. En anglais, c’est le mot héritage qui est employé et à Madagascar cela veut dire richesse. A Singapour, le patrimoine n’a de valeur que s’il rapporte économiquement et il est utilisé comme instrument politique pour créer l’unité nationale (comme en Australie), et dans certains pays africains, c’est un critère objectif qui prime, et tout ce qui a plus de cinquante ans peut être classé patrimoine.
Entre patrimoine statique et héritage dynamique, entre la protection et la mise en valeur, entre le monument instrument de pouvoir et le ressenti de la population, la notion n’est pas la même selon les époques et les lieux. Mais dans tous les cas, il ne peut y avoir de patrimoine reconnu s’il n’est associé à un récit (le mot “monument” vient du latin “se souvenir”) et que ce récit a un sens pour la population. C’est une des premières conclusions de ces Entretiens.
Comment décréter un patrimoine
…en évitant les querelles de chapelles
Il nous a été montré des exemples de pays qui organisent un réel consensus avant de protéger ou d’édicter des règles coercitives de protection, en se fondant à la fois sur l’avis des experts et sur le ressenti des habitants.
Et, témoignages à l’appui, le nombre de solutions qu’on trouve dans ce cas par la discussion est incroyable, d’autant plus si l’organisme chargé de prendre les décisions est indépendant des Pouvoirs Publics, car le fait d’être indépendant permet de faire émerger plus facilement ces solutions.
L’évolution française
Même si la question n’a pas vraiment été abordée durant ces trois jours, on peut cependant déduire plusieurs pistes.
L’attitude du Ministère des Affaires Culturelles a sensiblement évolué depuis une vingtaine d’années, passant de la conservation des monuments figés dans leurs enveloppes initiales (avec une protection règlementée par des “Princes”, des Jeanne d’Arc du patrimoine et des martyrs de la tradition) pour aboutir aujourd’hui à une politique de “la mise en valeur” associée à un usage des bâtiments ou des paysages présentant un intérêt.
De la protection au projet
On en est pas encore là en France, vu la difficulté pour mettre en place les ex ZPPAUP ou futures AVAP, parce que cela suppose au préalable une véritable réflexion sur une démarche et un projet qui associeraient, pourquoi pas, des itinéraires touristiques, la relance de savoir-faire anciens, des chantiers écoles, une école du patrimoine, etc.
Tout un ensemble qui permettrait de ne pas dissocier culture et développements écono-miques et humains, et de passer d’un patrimoine considéré comme une charge à un héritage considéré comme un tremplin.
En tout cas, ces Entretiens ont été trop riches et trop intenses pour rester sans lendemain. Dans deux ans probablement.
Etienne Charritat
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Portés par l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Montpellier, antenne Réunion (Ensam/Réunion) et la Direction des affaires culturelles-océan Indien(Dac-oI), avec la Région Réunion, ce colloque est organisé en partenariat avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD), le Département de La Réunion, les villes de Saint-Denis et de Montpellier, le Théâtre du Grand Marché, Île de la Réunion Tourisme (IRT), le musée La Saga du Rhum, Pils etFrance Culture.